Jansen Firm, 1989 Time Square Tower
lundi 21 janvier 2013
10h
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Maître Axelle Jansen venait de quitter le palais de justice. Une nouvelle victoire à ajouter sur sa liste personnelle. Pas franchement un de ces procès palpitant, mais toute victoire était bonne à prendre. Combien de pauvres filles prêtes à accuser des hommes riches et influents se cachaient encore à New York?

Obtenir un non-lieu aurait coulé de source, mais arriver à décrocher des dommages et intérêts pour diffamation la comblait. Celle qui jouait à la victime s'était littéralement transformée en Gorgone, injuriant et crachant sur les jurés et le juge... Tout simplement jouissif.

Axelle était sortie de la salle d’audience gonflée à bloc. La matinée commençait très bien. Elle venait de prendre place derrière son bureau, sortant le dossier [nom de famille mafieuse]. Elle consultait rapidement son agenda et l'écriture consciencieuse de sa secrétaire lui rappela son rendez-vous avec la journaliste du New York Daily News. Il était assez rare qu'elle soit sollicitée par un quotidien, plus habituée aux revues spécialisée en droit. Axelle se demanda ce que pouvait bien lui vouloir cette journaliste. Ses brefs contacts avec les médias consistaient en des sourires professionnels et la phrase fétiche des avocats devant un micro "Je n'ai aucune déclaration à faire".

En attendant l'arrivée de la journaliste, Axelle commença à travailler sur son dossier. Elle n'eut pas le loisir de s'y plonger longtemps car son assistante fit irruption pour lui annoncer l'arrivée de Lynn Ferguson.

Axelle balaya son vaste bureau du regard à la recherche du moindre désordre. En vain. Le verre de son bureau design ne comportait pas la moindre trace de doigt, ses orchidées étaient bien ordonnées devant la baie vitrée. Les cadres étaient impeccablement alignés au mur.

- Vous pouvez la faire entrer, Suzanne, ordonna Axelle.

Se composant un sourire avenant, elle attendit l'arrivée imminente de la jeune femme.

Lynn s’était longuement préparée pour cet entretien. Elle savait qu’elle avait eu de la chance d’avoir vu sa demande d’interview recevoir une réponse positive. Elle savait aussi qu’elle prenait un risque en se lançant dans cette rencontre, elle allait poser des questions dérangeantes mais, après de longues réflexions, la journaliste était restée sur sa décision première. Après tout, elle ne pouvait que se faire jeter dehors, et ce ne serait pas la première fois. Souvent, lorsque ses interlocuteurs sentaient venir des questions qui ne leur plaisaient pas, ils faisaient en sorte de la congédier. Certaines avec douceurs, d’autre bien moins.

La jeune femme s’était en tout cas vêtue de la manière la plus stricte possible, ensemble tailleur pantalon noir, chemise parfaitement repassée (ce qu’elle détestait faire et le pressing c’était trop cher…) et des talons hauts d’une bonne dizaine de centimètres. Ce n’était pas vraiment son style vestimentaire préféré, Lynn aimait se parer de vêtements bien moins formels et assez colorés.  Là, elle avait l’impression d’aller à un enterrement… Enfin, elle ne devrait porter ça que durant quelques heures, rien d’insurmontable.

Ponctuelle, Lynn s’était présentée à l’avance et fut invitée dans le magnifique bureau de l’avocate dont la renommée n’était plus à faire en ville. Tandis qu’elle avançait, le regard de la journaliste balaya rapidement la pièce impeccable pour s’arrêter sur son interlocutrice lorsqu’elle fut assez près pour lui tendre la main et la saluer.

- Maitre Jansen, Lyn Ferguson. Je vous remercie d’avoir accepté de me recevoir.

Lynn s’installa ensuite si elle y était invitée et reprit la parole assez rapidement, s’était renseignée sur l’affaire en cours de l’avocate.  

- Félicitations pour cette nouvelle victoire. Et quelle carrière impressionnante, sans aucun procès perdu. Quel est votre secret Maitre ?

Axelle avait le regard braqué sur la jeune femme qui entrait dans son bureau. Au premier coup d’œil, l'avocate détecta que la journaliste s'était habillée pour l'occasion. Une attention qu'Axelle apprécia à sa juste valeur. Se mettre au niveau de l'interlocuteur tant intellectuellement que visuellement démontrait une certaine intelligence dans les relations humaines. Oui, cette jeune personne ne devait pas être bête.

- Maitre Jansen, Lynn Ferguson. Je vous remercie d’avoir accepté de me recevoir.

Axelle se leva pour serrer la main de sa visiteuse. Une poignée franche. Elle l'invita à prendre place dans le fauteuil face à son bureau.

- Félicitations pour cette nouvelle victoire. Et quelle carrière impressionnante, sans aucun procès perdu. Quel est votre secret Maitre ?

Axelle sourit à la question directe. Il y avait-il un secret pour gagner? Une formule magique permettant de remporter un procès. Si une telle chose existait, Axelle n'en avait pas connaissance.

- Le secret de chaque réussite, mademoiselle Ferguson. Du travail, de la rigueur, une connaissance parfaite de nos lois et de l'efficacité. Je dois avouer posséder aussi une excellente maîtrise du sens de raisonnement humain et élaborer rapidement mes stratégies.

C'était surtout ça, la clef de sa réussite. La rapidité. Elle s’arrangeait souvent pour faire fixer rapidement les dates de ses procès, réduisant le temps de préparation. Bien des avocats travaillaient plus lentement qu'elle et n'arrivaient jamais à mettre en place de véritable stratégie pour plaider.

Axelle sourit à la journaliste.

- Souhaitez-vous boire quelque chose, mademoiselle Ferguson?

Elle attendit que son assistante apporte son thé vert et ce que sa visiteuse avait commandé pour en revenir à cet entretient.

- Alors, mademoiselle Ferguson, je suppose que vous n'avez pas sollicité cet entretient uniquement pour savoir cela?

Axelle sourit en buvant une petite gorgée du breuvage brulant. Elle sentait que cette jeune femme allait être pleine de surprises.

Lynn écouta la réponse de l’avocate, elle lui dévoila son secret pour la réussite. Ce n’était pas vraiment un secret, le travail et la rigueur restaient les meilleurs outils menant à cette réussite. Mais il n’y avait pas que cela, et Maitre Jansen le lui confirma. La vitesse était son point fort. Elle lui avait valu un bon nombre de ses victoires, ses opposants se retrouvant souvent perdus et pas assez préparer pour survivre au bulldozer juridique qu’était son interlocutrice. Personne ne lui résistait. Ainsi, elle était devenue rapidement la coqueluche des hommes influents et de la haute société de New York voire même de ses alentours ou d’autres états. Et, d’après ce qu’elle avait pu trouver durant ses recherches, de représentants de famille peu honorables également. C’était ce qui l’amenait ici.  

Lynn avait fait ses recherches, évidemment, avant de demander cet entretien. Elle savait que présenter la chose ne serait pas évidente. Elle ne devait pas se louper. Si ses doutes étaient fondés, elle ne désirait pas se retrouver comme cible de ces familles peu recommandables. Mais c’était un risque à prendre. Et puis, la police pourrait la protéger si elle se sentait en danger, elle pourrait demander à Izzy de s’en occuper par exemple. Enfin, elle n’en aurait peut-être pas besoin, et Lynn n’était pas du genre pessimiste, et puis être journaliste n’était pas un job de tout repos pour rien !

La coréenne déclina l’offre d’une boisson et écouta son interlocutrice reprendre la parole, ne désirant pas trop tourner autour du pot.  

- Alors, mademoiselle Ferguson, je suppose que vous n'avez pas sollicité cet entretien uniquement pour savoir cela?

- En effet, répondit Lynn avec un sourire, appréciant la franchise directe de l’avocate. Quelques rumeurs me sont parvenues et mes recherches n’ont pas suffi à les réfuter. Dans ce but, je me tourne vers vous afin d’éclaircir ces zones d’ombres sur certains de vos clients.

Lynn mentait un peu, il n’y avait pas eu de rumeurs. Simplement, à force de fouiner et de s’intéresser à la carrière incontournable de cette avocate que rien n’arrêtait, elle était tombée sur des noms connus, notamment des forces de police. Il était évident que quelqu’un d’aussi impressionnant professionnellement intéresserait certaines personnes prêtes à payer un prix exorbitant pour une défense en justice parfaite. Garder des criminels hors de prison n’était pas aisé, mais Maitre Jansen y parvenait, quelque fois même sans trop sourciller. Elle était le cauchemar des procureurs de l’état.

- Je sais bien entendu que vous ne pouvez dévoiler la liste de vos clients, mais pouvez-vous me décrire le profil type de vos clients habituels ? Y a-t-il d’ailleurs certains que vous refusez ?

Axelle attendait d'avoir le fond de la pensée de la journaliste. Il fallait avouer qu'elle avait du cran, de venir comme ça, chercher des réponses.

- En effet. Quelques rumeurs me sont parvenues et mes recherches n'ont pas suffi à les réfuter. Dans ce but, je me tourne vers vous afin d'éclaircir ces zones d'ombres sur certains de vos clients.

L'avocate fit un effort pour ne pas arborer un sourire franchement amusé. Elle devinait que derrière "rumeurs" et "recherches" se cachait un travail méthodique d'investigation. Elle allait lui répondre avec le plus de franchise que sa position le lui permettait.

- Il m'arrive en effet d'avoir des rapports lointains avec des milieux que vous qualifiez de sombres. Mais je ne les compte pas dans mes clients, navrée de vous décevoir. Axelle chercha un bref instant une façon de présenter les choses. Ils m'envoient des clients. Pour des divorces, de la diffamation, des petites affaires fâcheuses, mais rien de bien méchant.

Elle reprit une gorgée de thé. Cette journaliste devait évidemment savoir que les familles de la mafia ou autres pègres disposaient de leurs propres avocats, issus de leurs rangs, totalement dévolus à leur cause.

Elle, elle se refusait à entrer dans ce monde. Tout son talent consistait à frôler la limite sans jamais la traverser.

- Je sais bien entendu que vous ne pouvez dévoiler la liste de vos clients, mais pouvez-vous me décrire le profil type de vos clients habituels ? Y a-t-il d’ailleurs certains que vous refusez ?

- Il y a de tout. En premier lieu ceux qui me veulent pour les défendre. Ce sont en générale des PDG ou des cadres, accusés de harcèlement, de mobbing ou de corruption. J'ai aussi des personnalités en procès avec divers journaux people. Et pour finir, il y a les clients que je vais chercher.

Axelle sourit. Elle préférait de loin ceux-là.

- Je suis avant tout avocate par passion. Défendre les innocents et faire triompher la vérité reste ma motivation première. Par contre, je refuse de défendre les pédophiles et les dealers. A moins qu'ils n'arrivent à me persuader de leur innocence.

Elle finit d'une traite son reste de thé, devenu tiède durant son petit discours. Elle reporta son attention sur la journaliste et lui sourit.

- Une autre question?

Avec attention, Lynn écouta la réponse de Maître Jansen. Elle savait user des mots, évidemment, c’était son travail. Mais l’écouter émerveilla presque la journaliste qui ne manqua pas de prendre des notes mentales durant son discours. Son interlocutrice n’était pas dupe, elle se doutait qu’elle ne lui rendait pas visite uniquement pour connaitre le profil type de ses clients, mais bien pour dénicher quelques informations sur des collaborations répréhensibles. Mais selon les paroles de l’avocate, si effectivement elle défendait de temps à autres des membres de certains milieux sombres ce n’était que pour des affaires simples. C’était un contact, mais pas une alliance, rien de bien méchant comme elle le disait si justement.

Quant à la lite de ses clients, Maître Jansen resta vague et engloba une bonne partie de Manhattan avec une mention qui provoquerait certainement la prochaine question de la journaliste. Mais pas avant la fin du discours.

- Je suis avant tout avocate par passion. Défendre les innocents et faire triompher la vérité reste ma motivation première. Par contre, je refuse de défendre les pédophiles et les dealers. A moins qu'ils n'arrivent à me persuader de leur innocence.

Une nouvelle interrogation s’invita dans l’esprit de la journaliste. Elle doutait qu’on devienne si célèbre et redoutable en ne défendant que les innocents. Lyn croyait l’avocat lorsqu’elle disait qu’elle ne défendait ni pédophiles, ni dealers par contre, c’était très mauvais pour la réputation. Ces derniers se voyaient bien plus souvent affublés d’un avocat commis d’office.

- Une autre question?

- En effet. Vous m’avez intriguée, et je me demandais... A quels critères devons-nous répondre pour être contactés par vos soins ? Est-ce le défi qui vous motive ? J’aurais bien du mal à vous croire si vous me dites que vous préférez une affaire facile à défendre un innocent à une autre bien plus risquée et difficile, ajouta la journaliste avec un sourire amical