Jeudi 10 septembre 2013
6h
_____________________

Une information d’origine anonyme était parvenue la veille au FBI dans la section des cybers crimes. Après vérification, le renseignement s’avéra parfaitement justifié et une équipe se mit en place afin d’aller cueillir le hacker dans son appartement situé à Manhattan. Ce pirate de la toile n’était pas n’importe qui, de nombreux crimes lui étaient attribués et son arrestation était désormais imminente.

Un groupe d’une dizaine de représentants de la loi, accompagné de plusieurs unités de police, se rendit au domicile du dénommé « K_Fox ». Aucune sirène ne résonna dans les rues, une approche discrète ayant été ordonnée par le responsable de cette arrestation. En quelques minutes, l’immeuble était cerné, ne laissant aucune possibilité à ses habitants de le quitter sans être aperçu. L’agent en charge, accompagné de quelques collègues, entra en grand fracas dans l’appartement du suspect, défonçant sa porte d’un coup de pied sans aucune somation, gardant l’effet de surprise.

Les évènements s’enchainèrent ensuite à une vitesse vertigineuse, l’agent fédéral immobilisa le suspect et lui passa les menottes en lui énonçant ses droits et les raisons de son arrestation : piratage, atteinte à la sécurité nationale, vol et malversation.  Il eut donc droit de garder le silence, apprenant que tout ce qu’il pouvait dire serait retenu contre lui. Un avocat commis d’office pouvait lui être attribué, s’il ne pouvait s’en permettre un…

Et en toute discrétion, K-Fox fut emmené à l’antenne new-yorkaise du F.B.I. pour interrogation avant un emprisonnement qui ne faisait aucun doute…


Jeudi 10 septembre 2013
16h
_____________________

En attendant son questionnement, le hacker avait été placé en cellule. Une dizaine d’heures s’étaient écoulées sans que personne ne réponde à ses appels, il était seul derrière des barreaux et aucun coup de téléphone ne lui avait été proposé encore. Il goutait à ses premières heures de solitude jusqu’à ce qu’il entende un bruit métallique, une porte s’ouvrant et ensuite des bruits de talons hauts se rapprocher de lui.

Une femme blonde lui ferait face, habillée comme un agent fédéral également, son badge de visiteur excluait cependant son appartenance au bureau. Elle s’arrêta face à la cellule où se trouvait le pirate, son regard bleu se posa sur ce dernier avant qu’elle ne prenne la parole.

- On dirait que vous avez des ennuis jusqu’au cou, Monsieur Kancel.

Mener de front ses études et ses activités annexes n'était pas de tout repos. Une fois de plus, Sidney avait travaillé sur un dossier pour l’université jusqu'à deux heures du matin. Ensuite, il s'était penché sur le site qu'un magasin de skates lui avait commandé. C'est seulement au moment où ses yeux commençaient à voir flou qu'il se décida à décrocher et à se coucher.

Dans l'obscurité, il se traina jusqu'à son lit. Sur son chemin, il ignora les bols de nouilles vides, les gobelets et les habits sales qui jonchaient le sol. Il mit son smartphone en charge et vérifia son réveil avant de s'écrouler sur son lit.

Il dormait à point fermé quand il un vacarme inhabituel le réveilla en sursaut. Sans comprendre ce qu'il se passait, il se retrouva la tête enfoncé dans le matelas, les mains dans le dos. Il sentit la froideur du métal sur ses poignets et une voix débita rapidement des paroles que son cerveau n'assimila pas.

Dans la tête de Sidney, une check-list défilait à toute vitesse. Le seul ordinateur de son studio ne lui servait que pour ses devoirs et ses activités de webmaster. Les autre PCs étaient disséminés dans des consignes aux quatre coins de New York. Jamais ils ne seraient tous trouvés.

Durant sa réflexion, on l'avait jeté dans une voiture sans ménagement. Sidney avait vu sur leur veste le signe en lettres jaunes: FBI. Il se dit pour la première fois de la journée qu'il était très mal. Comme personne ne semblait vouloir lui parler, il ne demanda rien. Après tout, il serait le premier au courant de se qu'on lui voulait. On l'assit sur une chaise dont les quatre pieds étaient vissés au sol. La salle était blanche avec un miroir qui occupait tout un pan de mur. Sidney demanda s'il était possible de boire ou de manger quelque chose. Personne ne prit la peine de lui répondre.

Commença alors une longue attente. Son estomac le tiraillait, il avait soif et devait aller au toilettes. Le plafond comptait 2500 trous dans la tôle. Sidney s’endormit quelques heures et se réveilla, le corps douloureux et toujours sur sa chaise. Il listait la liste des nombres premier quand la porte de sa "cellule" s'ouvrit enfin. Sidney s'arrêta donc à 48'883 et leva les yeux vers sa visiteuse.

- On dirait que vous avez des ennuis jusqu’au cou, Monsieur Kancel.

- J'ai surtout la vessie à deux doigts de craquer.

Sidney se demandait ce que cette femme lui voulait. Son badge indiquait qu'elle n'appartenait pas au FBI. Mais il se refusait à poser des questions, puisque apparemment personne ne cherchait à lui donner de réponses.

- J'ai surtout la vessie à deux doigts de craquer.

On ne pouvait dire que le suspect ait été maltraité, mais il laissait clairement voir des signes de négligences, et ses paroles le lui confirmèrent. Teresa avait déjà pu remarquer, au fil de ses infiltrations, que les pirates informatiques n’étaient pas appréciés des forces de police, encore moins du Bureau. Ils étaient plus difficiles à attraper et pouvaient être aussi dangereux qu’un criminel « normal ». Celui-là n’aurait sans doute jamais fini entre les filets du F.B.I. sans cet appel « anonyme » leur offrant sa location et son C.V. fourni. Il était malin, savait couvrir ses traces, mais pas assez, du moins pas assez pour ses employeurs. C’était d’ailleurs ces dernières qui avaient donné au Bureau les informations nécessaires pour placer le jeune informaticien dans une situation plus que mauvaise et de laquelle elles pourraient tirer profit.

En silence, Teresa observa le nouvel élu de Jillian. Il était jeune, encore plus que leur dernière recrue, Ayumi. Mais apparemment, il avait devant lui un avenir brillant. « Avait ». Car il était possible que sa carrière s’arrête dans cette cellule, s’il ne prenait pas la peine de l’écouter et surtout d’accepter sa proposition.

- Je suis désolée de l’apprendre, finit par répondre la blonde avec un sourire compatissant. Je vais faire en sorte de vous faire accompagner jusqu’aux restrooms. Mais avant j’ai une proposition à vous faire.  

Teresa marqua une courte pause, en profitant pour s’asseoir face à son interlocuteur, croiser les jambes de manière féminine et reprit ensuite la parole sur un ton sérieux.

- Votre avenir est bien sombre, Sidney. Il n’existe déjà plus. Devant vous, des années d’emprisonnement dans des conditions discutables. Avec un peu de chance, vous serez libéré pour bonne conduite, mais les conséquences et les dégâts seront bien trop importants pour reprendre le cours de votre vie.

Les fédéraux aimaient priver les hackers de leurs joujous préférés. Plus de téléphone, plus d’ordinateur, une surveillance très poussée, pour les fanatiques de l’ère digitale, cela pouvait être une vraie torture. Avec un casier rempli comme le sien, il ne trouverait jamais de travail qui pourrait le passionner. Ces faits, Teresa en fit part également à son interlocuteur. Elle ne mentait pas, son avenir était bien sombre.

- Désirez-vous être ce prisonnier condamné à une vie minable, ou bien seriez-vous prêt à considérer une autre option ?

- Je vais faire en sorte de vous faire accompagner jusqu’aux restrooms. Mais avant j’ai une proposition à vous faire.

Elle semblait sincère. Sidney leva avec espoir les yeux vers sa visiteuse. Plus pour la promesse d'une visite rapide aux toilettes que pour la prétendue proposition. Qui était-elle pour venir dans les locaux du FBI et se permettre de contourner leur autorité? Il ne se sentait pas encore en position de poser trop de questions. Il la regarda s'assoir en face de lui.

- Votre avenir est bien sombre, Sidney. Il n’existe déjà plus. Devant vous, des années d’emprisonnement dans des conditions discutables. Avec un peu de chance, vous serez libéré pour bonne conduite, mais les conséquences et les dégâts seront bien trop importants pour reprendre le cours de votre vie.

Sidney fut tenté de ricaner mais au vu de la précarité de sa situation, il réfréna cette envie. Il savait tout cela. Il l'avait su dès lors qu'il avait commencé à verser dans le piratage. Il avait choisi de courir le risque. Il s'était cru malin et était tombé sur plus fort que lui. Ses parents allaient tomber de haut: leur fils si gentil, si quelconque, si fermé, arrêté par le FBI. Une belle désillusion.

L'inconnue lui expliqua le traitement qui l'attendait. Isolement numérique. Plus la moindre technologie. Mais Sidney attendait le "mais" arriver. Il sentait qu'il y avait un "mais".

- Désirez-vous être ce prisonnier condamné à une vie minable, ou bien seriez-vous prêt à considérer une autre option ?

S'attendait-elle vraiment à ce qu'il choisissent la prison? Se sentait-elle forte de savoir qu'elle était sa planche de salut? De toute manière, Sidney était prêt à ne pas rater une telle opportunité. Combien de personnes pouvait échapper à une prison fédérale? Très peu, si l'on en croyait les statistiques.

Il se redressa autant que sa vessie le lui permettait, le métal des menottes lui mordant les poignets. La bouche sèche, comme en carton pâte, il articula, la voix rauque.

- Je crois que vous connaissez déjà la réponse, Madame. Je ne suis pas assez fou et en position de refuser...

Sa voix était un peu amère, mais au fond de lui, il éprouvait de la reconnaissance. Il ne savait pas encore si cette proposition était une bonne chose ou non. Mais si cela lui permettait d'éviter la prison, il signait tout de suite. Ou alors il rêvait...

- Je signe où?

- Je crois que vous connaissez déjà la réponse, Madame. Je ne suis pas assez fou et en position de refuser... Je signe où?[/

Sans ajouter un seul mot, Teresa quitta son siège et se redressa pour venir se plaça dans le dos du suspect du FBI. Dans sa main apparut une minuscule seringue qu’elle planta dans le cou du jeune homme de manière discrète, à l’abri des caméras.

- Aucun besoin de signer, Sidney.

Elle regarda ensuite l’homme s’effondrer, suite à l’injection qu’elle venait de lui faire, un puissant produit qui simulera sa mort durant assez de temps pour le faire transférer jusqu’au C.O.R.A.I.L. Prenant un air paniqué, Teresa appelé à l’aide, se précipitant vers la porte et frappant sur celle-ci jusqu’à obtenir une réponse. Son jeu parfait entraina les réactions attendues. En quelques heures et après de nombreuses phrases de déception des fédéraux, le corps du hacker fut enveloppé dans un sac mortuaire et envoyé à la morgue pour une future autopsie afin de déterminer la cause de ce décès soudain.

Avant que celle-ci n’ait lieu, une équipe du C.O.R.A.I.L fit en sorte de récupérer le corps et le rapatrier sous le Rockerfeller Center. De son côté, Teresa avait quitté les lieux sans aucun souci, gardant son visage d’avocat choqué pour le public qui ne lui posa aucune question.

Au bout de plusieurs heures, le réveil de la future recrue du Centre ne tarderait plus. Il avait été installé dans une salle de repos après avoir été changé par le personnel médical. Sa vessie n’avait pas tenu le coup durant le voyage. Un simple détail. A son réveil, il se sentirait nauséeux, mais pour un court moment seulement. Teresa l’observait patiemment depuis son fauteuil, les jambes croisées, ses doigts tapotant les accoudoirs. Le pirate, récemment décédé aux yeux du monde extérieur, dormait tranquillement sur un canapé et ouvrirait les yeux sur un nouveau décor qu’il apprendrait bientôt à connaitre et considérer peut-être comme sa nouvelle résidence.

Un peu méfiant, il suivit du regard sa visiteuse. Quand elle passa derrière lui, Sidney senti un pincement d'appréhension. Il ne pouvait pas voir ce qu'elle faisait, même dans le miroir, placé trop haut. Il réprima un frisson quand elle se remit à parler d'une voix qu'il jugea inquiétante.

- Aucun besoin de signer, Sidney.

Ce furent les dernières paroles qu'il entendit avant de sombrer dans un noir total. Il songea à crier mais n'en eut pas le temps.

Son impression suivante fut une panique sourde et il essaya de bouger mais ses membres semblaient peser une tonne. Son esprit cartésien reprit rapidement le dessus et il analysa ce qu'il pouvait. Il n'était plus assis mais allongé sur quelque chose de mou et son besoin d'aller aux toilettes avait disparu. Au prix d'un effort qui lui sembla incroyable, il ouvrit les yeux.

Très mauvaise idée! La clarté bien trop vie de la pièce où il se trouvait lui grilla les rétines, propageant un violent mal de tête. Une sensation de nausée s'empara de lui. Avec plus de précautions cette fois, il papillonna plusieurs fois des paupières avant d'enfin avoir une vision nette de la pièce où il se trouvait. Une chose était sûr, ce n'était absolument plus la cellule du FBI.

Il se redressa un peu, notant qu'il se trouvait sur un canapé et que son t-shirt à la gloire de Linux avait cédé la place à une chemise blanche et un pantalon blanc cassé. Pas vraiment son style habituel...

Après ces considérations sur sa personne, il remarqua enfin la présence de sa visiteuse inconnue. Assise dans un fauteuil, elle semblait attendre patiemment qu'il ait repris ses esprits.

- Je suis où? demanda-t-il pour commencer. Il m'est arrivé quoi? Qui êtes-vous?

Après cette avalanche de questions, il s'assit correctement et attendit ses réponses.

Le réveil du Beau au Bois Dormant ne tarda plus et bientôt il ouvrit la bouche pour lui poser bien des questions. Elles étaient légitimes, et Teresa était prête à les entendre ainsi qu’à y répondre. Maintenant, ils pouvaient parler plus librement. Elle faisait un peu le travail de Jillian, mais cette dernière ne pouvait être dérangée, d’après Terry. Auraient-elles retrouvés la trace de l’ancien numéro un de l’organisation ?

Teresa chassa ses propres questions de son esprit et se concentra sur son interlocuteur actuel. Elle adressa un sourire rassurant au dénommé Sidney avant de prendre la parole pour lui répondre.

- Je m’appelle Teresa, commença la blonde. Et comme promis, tu n’auras pas à faire face à une vie en prison. Cet endroit s’appelle le C.O.R.A.I.L., le Centre d'Opération, de Recherches et Analyses des Infiltrations et Liaisons. Notre dénomination parle d’elle-même quant à nos activités. Nous sommes un groupe non gouvernemental qui offre une seconde chance à ceux qui en ont désespérément besoin. Quelqu’un comme toi, Sidney.

Et quelqu’un comme elle, il y a de cela bien longtemps. Elle n’oublierait jamais ses premiers pas au C.O.R.A.I.L.

- Pour le monde extérieur, Sidney Kancel est décédé il y a quelques heures dans les locaux new yorkais du F.B.I.

Chose que les fédéraux s’empresseront de masquer. Ce n’était pas bon pour leur réputation. Entre le temps où Sidney s’était effondré et l’autopsie, un échange de corps avait été effectué et l’examen mené par l’un de leur agent en infiltration du côté des légistes de la ville. Une couverture bien utile.

- Nous t’offrons l’occasion de faire ce que tu sais faire de mieux ici, d’avoir un avenir brillant, ici au C.O.R.A.I.L., en t’offrant accès à un équipement informatique et électronique que tu ne pouvais jusque-là imaginer qu’en rêve.

Certains étaient encore méconnus du public, en phase de test, grâce à certains de leurs actionnaires qui leur fournissaient des pièces assez avancées technologiquement. Certaines à un point qu’aucun de leur technicien actuel n’y avait encore touché. Bien entendu, pas de quoi pencher dans la science-fiction, mais assez pour fasciner le passionné que devait être le nouvel arrivant au C.O.R.A.I.L.

- Si tu n’es pas intéressé, nous t’offrirons bien entendu une nouvelle identité et tu pourras te reconstruire une nouvelle vie tranquille de fonctionnaire dans un autre état.

Un léger mensonge. S’il refusait cette proposition, deux options seraient possibles. Et aucune des deux ne plairaient à l’intéressé, l’une finirait par un décès non simulé cette fois, l’autre par l’avenir que les fédéraux lui avaient réservé quelques heures plus tôt après avoir subi quelques injections. Teresa garda ces informations pour elle,. Si elle pouvait le convaincre avec la manière douce, elle préférait cela. La confiance se gagnait plus facilement sans menace.

- Qu’en dis-tu ?