Jeudi 10 janvier 2013
13h
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Aujourd'hui, John avait accepté de subir son jeudi noir mensuel. Enfin, il arrivait parfois que cela tombe un autre jour de la semaine, mais le plus souvent c'était quand certains commissaires lui demandaient de prendre leur place face à certains éléments présents dans leur brigade. Au départ, John avait refusé, mais il avait fini par céder avec le temps trouvant plus amusant les fortes têtes que son personnel un peu trop lisse et trop propre sur lui-même.

Installé dans un bureau, qui n'était pas le sien, John allait donc jouer les bons samaritains. Son jeudi noir avait donc été ponctué de visites dès le matin, mais celle de début d'après-midi l'intéressait nettement plus. Il aurait à faire au dénommé Fear, un homme dont le destin pourrait bien être celui de Michael s'il n'y prenait pas garde. Dans tous les cas, la question ne serait pas là. D'ailleurs, il n'était pas sûr de se rappeler la raison de cet entretien. Le désir de téléphoner à sa secrétaire l'envahit un bref instant, puis il renonça.

Il préférait garder la surprise. En plus celui éviterait de se taper le ton un peu trop maternel de sa secrétaire. Il en venait presque à regretter l'ancienne, mais leur relation ayant dérapé, ils s'étaient mis d'accord pour qu'elle change de service et qu'ils se retrouvent de temps à autres aux archives... là où il était sûr de ne pas tomber sur la journaliste qu'il surprenait parfois dans son rétroviseur à le suivre les soirs où il sortait pour des galas. Il ne savait pas ce qu'elle voulait, mais cela ne lui disait rien de bon...

Bref, plutôt que de penser à elle, John reporta son intérêt sur la porte attendant de voir la silhouette familière de l'un de ses hommes les plus controversés... et qui devenaient souvent ses protégés.

- C'est lui, souffla-t-il.

Lawrence se détourna quelque peu pour apercevoir l'homme en question, qui se dirigeait vers une porte dans le fond de la salle.

- Tu es sûr que c'est lui ? On a pas le droit à l'erreur petit.

Le jeune homme fit glisser quelque chose à Lawrence. Soulevant sa main pour permettre à l'inspecteur de la saisir, on découvrit une oreillette que Lawrence fixa dans son oreille.

- J'en suis sûr.

Sans plus attendre, l'inspecteur salua son ami et se leva de sa chaise haute. Il prit la direction qu'emprunta plutôt l'homme qu'il avait attendu toute la soirée, et chuchota quelque chose dans son micro. Une fois devant la porte, il prit une grande inspiration, puis entra.

Lawrence déboucha sur une pièce plutôt spacieuse, éclairée par un chandelier pendant au plafond, tanguant quelque peu. Une dizaine de personnes peuplaient les lieux, et tous se retournèrent vers l'inspecteur, brutalement arrachés à leurs conversations respectives. Tous se trouvaient avec une clope ou un verre en main. Des adultes. L'un d'entre eux, l'homme que recherchait Lawrence, venait de prendre place sur un fauteuil central et manqua de s'étrangler en voyant l'intrus entrer.

- Eh du con ! Tu sais pas lire ? C'est un coin VIP par ici, dégage !

Lawrence ne s'offusqua en rien de la remarque désobligeante de son interlocuteur. Il garda un sang froid exemplaire, et posa les yeux sur une table en face de l'homme en question. Un petit tas de poudre blanche s'y trouvait en son centre, ainsi qu'un peu de matériel. De la drogue. La même qui a tué la petite ... Pensa Lawrence.
L'excité se releva brusquement de son fauteuil pour faire face à Lawrence, les yeux injectés de sang, les maxillaires serrées et le regard hargneux. 

- T'es sourd vieillard ? Tu viens faire quoi ici, tu cherches les emmerdes ?

Lawrence resta parfaitement calme face à son agresseur. Une seconde plus tard, un "clic" résonna depuis la poche de l'inspecteur, avant qu'il n'en sorte son Glock 17 et le pointe entre les deux yeux de son interlocuteur.

- C'est toi que je viens chercher. Fils de pute.

Une détonation retentit, du sang gicla, et de la cervelle se mélangea aux autres substances qui gisaient un peu partout dans la pièce. Le corps du malheureux n'eut même pas le temps de tomber à terre qu'une myriade de policiers armés enfonçaient les portes de sortie en hurlant aux occupants de la pièce de se mettre à terre. Dans le chaos ainsi causé, Lawrence se fit bousculé par un jeune en panique, qui se rua hors de la salle par l'entrée qu'avait emprunté Lawrence. Ce dernier ne réussit pas à le rattraper. 



Et Lawrence s'en foutait. Il y a seulement deux jours, son indic lui avait envoyé un message lui annonçant qu'il avait réussit à pister le fuyard lors de sa sortie de la boîte, et qu'il l'avait prit en filature. Comble de la surprise, il le mena directement à la résidence Crosvà, située en plein cœur de Manhattan. Voilà qui rendait l'inspecteur doublement heureux. Non seulement il avait éliminé l'un des plus dangereux leaders du quartier, et arrêté la quasi-totalité de sa bande, mais en plus il avait réussis à faire le lien avec l'Affaire Crosvà. Il n'en revenait pas. Jusque là, la police de New York n'eut jamais l'occasion d'ouvrir une enquête sur cette famille que tous savait mafieuse. Mais là, photos à l'appui, Lawrence aurait de quoi faire changer d'avis à son supérieur.

En cette belle journée de début d'année, Lawrence s'était mis sur son trente et un. Il s'était pour une fois coiffé, lavé et même parfumé. Il avait changé de vêtements, aussi, optant plutôt pour sa belle chemise grise surmontée par son costume sur-mesure. Voilà un moment qu'il ne s'était pas rendu aussi présentable. Ce qui le rendait de si bonne humeur, c'était le fait qu'il allait en une seule journée pouvoir présenter le dossier bouclé du "Dealer de China Town" et en présenter un autre qu'il allait demander à son supérieur d'examiner. Il espérait pouvoir se charger de l'Affaire Crosvà, et il userait d'arguments très convaincants pour parvenir à ses fins. 

Sobre, il arriva dans les bureaux de la police sans rien casser sur son passage, saluant même ses collègues. Mais plus il s'avançait vers le bureau de Mr. Clane, moins son sourire était radieux. La jubilation qu'il avait ressentit pendant quelques temps avait laissé place, peu à peu, à de sinistres remords concernant les enquêtes en cours. D'une part, la mort de la petite Julie, droguée de China Town, lui avait foutu un coup à lui ainsi qu'à tout le quartier. D'autre part, les récentes discussions qu'il eut quelques soirs plutôt avec une journaliste le laissaient pensif et mélancolique. Il faut dire que son quotidien n'était pas radieux, de même que ses enquêtes n'étaient toujours menées dans le plus grand calme. Il avait du sang sur les mains, et peinait à se réjouir de la réussite de ses opérations. De toute manière ... Le mot "joie" chez Lawrence était assez vague, se contentant d'un sourire carnassier et bancal quand il se sentait de bonne humeur, et se rendant d'autant plus dangereux lorsqu'il avait réussit une mission, ou était sur le point de le faire. C'était son tempérament, c'était un homme bizarre confondant joie et défi, lui qui était toujours désireux de coller des balles aux mécréants de ce monde. Bref, en ce jour pouvait-on dire que son allure le rendait moins sinistre et son faciès plus avenant. C'était déjà un bon début.

Une fois arrivé au secrétariat de John Clane, Chef de la Police qui prenait plus de risques pour le couvrir que de plaisir à le féliciter pour ses missions, il annonça son nom à la secrétaire et entreprit d'aller s'asseoir sur l'une des quelques chaises alignées au pied du mur de la salle d'attente. Il repositionna ses lunettes sur son nez et baissa la tête, attendant une réponse de la secrétaire qui lui permettrait d'entrer dans le bureau de son supérieur, ou bien la venue de celui-ci qui le ferait entrer directement.

Au bout d'un moment, John vit son attente patiente prendre fin au son de la voix de sa secrétaire. Cette dernière lui annonça l'arrivée de son rendez-vous, puis raccrocha sans qu'il n'ait le temps de lui dire de le faire entrer. Celle-là, elle commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs, surtout qu'il était impossible de lui passer un savon. Elle restait toujours de marbre face à ces derniers, les détruisant d'un simple : "C'est tout ?". Il en restait souvent bouche bée, se retrouvant à maugréer dans sa barbe et subir les taquineries de sa compagne aux archives.

Dans un soupir, John se leva de sa chaise pour rejoindre la salle d'attente. Ses yeux se posèrent sur sa secrétaire, qui l'ignora d'une manière tout bonnement désagréable. Clairement, il aurait mieux fait de ne pas venir avec et de la laisser enfermer dans son bureau. Un jour, il ferait exprès de l'enfermer un vendredi matin pour avoir le plaisir de la retrouver le lundi matin avec la tête défaite et un regard sans doute incendiaire.

Son regard chercha son invité, ce qui provoqua un léger haussement de sourcils. Fear était plus sortable que d'habitude. Cela attisa la curiosité du chef de la police, qui ouvrit la bouche afin de lui demander d'entrer à sa façon.

- Fear, dans mon bureau.

Sans vérifier que ce dernier le suivit, John rentra à l'intérieur pour s'installer derrière le bureau, puis reporter son regard sur l'inspecteur.

- Alors, que me vaut le plaisir de cette visite ?

Son ton était nettement plus sympathique que précédemment.

Lawrence entendit la porte s'ouvrir, ce qui l'arracha à ses obscures pensées le temps d'apercevoir son supérieur au crâne luisant l'inviter à entrer. Lentement et sans mot dire, il se leva de sa chaise, lança un regard hébété à la secrétaire, et pénétra dans le bureau de Monsieur Clane. Il referma la porte aussi délicatement que possible, s'approcha de sa chaise qu'il tira, puis s'installa en courbant le dos, grimaçant. Il se mit à son aise, jambes tendues, bras croisés et son regard dérangeant planté dans celui du Chef de la Police.

- Alors, que me vaut le plaisir de cette visite ? 

Le plaisir de cette visite ? Lawrence tiqua. Mais loin de laisser paraître son étonnement suite à cette démonstration flagrante d'indifférence quant aux affaires sous sa responsabilité, mettant ça sur le compte de sa secrétaire au visage si peu aimable, il choisit simplement de décroiser les bras, ramener ses jambes en avant pour s'avancer vers le bureau, sortir un dossier de sa poche intérieur et le jeter nonchalamment au devant de son supérieur.

- Le dossier concernant l'Affaire du "Dealer de China Town". Bouclé.

Fier de lui, mais ne laissant rien paraître d'autre qu'une impassibilité dont il avait le secret, il croisa à nouveau les bras, attendant que Clane prenne pleinement connaissance du contenu du dossier en question. 

- Je suppose que vous avez déjà été informé par la presse de ce qui s'est passé, d'autant plus que j'avais demandé à Malory de faire son rapport tandis que je remplissait celui-ci. Il renifla bruyamment. Un fils de chien de moins. Cette ordure ne tuera plus jamais de jeunes filles dans les quartiers de China Town, ni même aucun membre de son réseau. Tous arrêtés, la drogue et tout ce qui va avec sont en ce moment même réceptionnés par la brigade des stups.

- Le dossier concernant l'Affaire du "Dealer de China Town". Bouclé.

John hocha la tête en silence. En tant que chef de la police, il était au courant d'un certain nombres d'affaires dont le nom lui échappait parfois. Sa secrétaire était là pour l'aider à se souvenir, ce qu'elle ne faisait pas de manière très efficace. Ses yeux se fixèrent sur le dossier qu'il saisit pour le feuilleter, la mémoire lui revint alors qu'une idée lui traversait l'esprit.

- Je suppose que vous avez déjà été informé par la presse de ce qui s'est passé, d'autant plus que j'avais demandé à Malory de faire son rapport tandis que je remplissait celui-ci.Un fils de chien de moins. Cette ordure ne tuera plus jamais de jeunes filles dans les quartiers de China Town, ni même aucun membre de son réseau. Tous arrêtés, la drogue et tout ce qui va avec sont en ce moment même réceptionnés par la brigade des stups.

Silencieux, John déposa le dossier sur le bureau. Ses yeux fixèrent le policier pendant un instant laissant ses pensées vagabondaient. S'il se laissait aller à sa lubie, il risquait de perdre son siège, mais il pouvait minimiser les risques. Il lui suffisait juste d'insérer un homme de confiance dans l'histoire afin de pouvoir gérer les éventuels soucis.

- Dites-moi, Fear, vous ne trouvez pas qu'on gâche vos talents ? Répondez franchement et sans crainte. Je suis sans doute le plus mal placé pour vous virer de la police... et le mieux pour vous offrir une équipe avec laquelle travailler sur les affaires, qui vous intéressent.

Tout sourire avait disparu du visage de John. Le sérieux était visible sur ses traits afin de permettre à l'inspecteur de saisir qu'il n'était pas en train de plaisanter.