Mardi 8 janvier 2013
15h
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Dans les couloirs de l'hôpital, Julia ne chômait pas. Son mardi n'avait absolument rien de tranquille. Elle passait son temps à courir à droite et à gauche, se heurtant parfois à des interlocuteurs peu enclins à la discussion. Sa pause midi n'avait absolument rien arrangé à la situation puisqu'elle l'avait passée au téléphone à se battre avec son ex sur la garde du chien. Maggie refusait de lui laisser Seth, un bouledogue, ce qui était totalement impensable aux yeux de Julia. Résultat, elle avait eu droit à une menace de procès, ce qui était ridicule... et ne manquerait pas de faire rire certains membres de sa famille s'ils venaient à être au courant.

Le début d'après-midi n'arrangea pas vraiment la tendance. Julia allait devoir intervenir auprès d'une patiente afin de lui annoncer que ses enfants allaient lui être retirés. L'affaire était un peu compliquée, du style de celle où elle était susceptible de passer pour la méchante. Enfin avant d'aller au chevet de la patiente, Julia allait devoir passer par le médecin afin de vérifier que la jeune femme était prête à entendre la mauvaise nouvelle. Après avoir cherché le concerné, puis l'avoir reconnu à sa chevelure noire et à sa grande taille, Julia se dirigea vers lui.

- Docteur Buttler, serait-il possible de m'entretenir au sujet de votre patiente, Mary-Beth Turner ?

Julia affichait une mine sérieuse aggravée par son ton solennel. En même temps, elle n'avait aucune envie de sourire en vue de la situation.

Liam passait une mauvaise journée. Il avait perdu un patient au matin, alors qu’il avait toutes les chances de s’en sortir. Une chose qu’on apprenait rapidement en tant que médecin, les pronostics ne voulaient pas dire grand-chose, même s’ils en abusaient quelques fois pour rassurer la famille des alités. Quand leur heure était arrivée, il n’y avait rien qu’ils pouvaient faire. Ce n’était pas une vision défaitiste de son travail, juste l’acceptation qu’il n’était pas Dieu et ne le serait jamais, ne voulait pas l’être de toute façon. Il avait déjà assez de responsabilités comme ça.

Le médecin avait réussi à prendre une pause déjeuner tardive vers 14h30 et revenait à peine de celle-ci pour reprendre son service qu’il fut interpellé par une jeune femme déjà croisée auparavant au détour d’un couloir. Une assistante sociale. Soit on faisait appel à elles et elles devenaient une bénédiction, soit elles se mêlaient de certaines affaires et elles prenaient alors un tout autre visage. Liam ne put retenir une grimace lorsque la jeune femme prit la parole. Il n’avait pas fait appel à elle.

- Docteur Buttler, serait-il possible de m'entretenir au sujet de votre patiente, Mary-Beth Turner ?

Une de ses patientes actuellement dans l’une des chambres des urgences, entourée de ses enfants. Ce n’était pas un bon signe et le médecin craignait d’entendre des paroles qui ne plairaient certainement pas à Mary-Beth.

Faites vite, répondit Liam en se rapprochant d’elle et en enfilant sa veste blanche. Quel est le problème ?

Faites vite. Quel est le problème ?

Quelque chose dans le ton de sa voix laissait entendre qu'il n'allait pas du tout apprécier les paroles de Julia. Ou alors c'était la force de l'habitude qui lui dictait qu'il ne serait pas content de voir cette famille être séparée. Après, il possédait aussi une certaine réputation, qui faisait qu'il n'était pas le préféré de Julia lorsqu'il fallait intervenir dans un sens où l'injustice pouvait être facilement criée.

- Nous devons lui retirer ses enfants. Ses conditions de travail ne lui permettent pas de les élever correctement.

Julia n'entra pas dans les détails. Ils étaient un peu plus compliqués. Mary-Beth n'était pas une mauvaise mère. Son principal souci résidait à la découverte de son travail nocturne où aucune nourrice n'était présente pour veiller sur les enfants la nuit. Quelqu'un l'avait gentiment dénoncé, son ancien mari, ce qui avait occasionné des ennuis pour la jeune femme. D'ailleurs, ce qu'elle avait fait aujourd'hui, tenter de fuir avec eux, ne lui rendait pas vraiment service non plus.

- Cette mesure est provisoire, précisa Julia. Et nous ne comptons pas confier les enfants à leur père. J'aimerais donc voir avec elle si elle aurait de la famille afin de leur éviter l'expérience d'un foyer. Est-elle en état pour parler de ça ?

- Nous devons lui retirer ses enfants. Ses conditions de travail ne lui permettent pas de les élever correctement.

Liam ne fut pas étonné d’entendre ces mots sortir de la bouche de l’assistante sociale dont la beauté n’excusait en rien ses intentions. Mary-Beth faisait de son mieux pour offrir un toit et de la nourriture à ses deux enfants. Sa vie était devenue un enfer à cause de son ancien mari avec qui Liam aurait bien échangé quelques mots s’il le croisait… Sa patiente avait paniqué, craignant pour ses enfants, cherchant à les protéger, et pour la récompenser de son instinct protecteur on venait l’en priver. Quoi de plus naturel ?

- Cette mesure est provisoire. Et nous ne comptons pas confier les enfants à leur père. J'aimerais donc voir avec elle si elle aurait de la famille afin de leur éviter l'expérience d'un foyer. Est-elle en état pour parler de ça ?

Je serai curieux de rencontrer la personne qui serait réellement en état pour discuter d’une séparation forcée avec ses propres enfants. Mais elle n’est pas dans le coma, donc j’imagine que c’est suffisant pour les services sociaux.

Le médecin avait généralisé sur ce dernier point, ne désirant pas forcément attaquer personnellement son interlocutrice. Il savait qu’elle ne faisait que son boulot comme lui. Bien qu’il n’obéissait pas toujours aux règles, si c’était pour le bien d’un patient. Si le choix lui était offert, il ne séparerait pas cette femme de ses enfants. Ils étaient son monde, son existence. Sans eux, il y avait toutes les chances pour que son état s’empire. Et c’était ce qui entrainait à l’avance chez Liam une réaction peu engageante vis-à-vis de l’assistante sociale.  

Combien de temps comptez-vous les séparer ? Demanda Liam en s’approchant de la chambre où se reposait Mary-Beth.